Les Humanités, Clé de l'IA de Demain : L'Institut Alan Turing Lance l'IA Interprétative
Une nouvelle initiative, « Faire l’IA Différemment », lancée par une équipe formidable comprenant l’Institut Alan Turing, l’Université d’Édimbourg, l’AHRC-UKRI et la Fondation Lloyd’s Register, remet en question la prémisse fondamentale du développement de l’intelligence artificielle, plaidant pour une approche profondément centrée sur l’humain. Pendant trop longtemps, les résultats de l’IA ont été perçus simplement comme les produits d’équations mathématiques complexes. Cependant, les chercheurs derrière ce projet soutiennent que cette perspective est fondamentalement erronée.
Ils affirment que ce que l’IA génère sont, par essence, des artefacts culturels – plus proches d’un roman ou d’une peinture que d’une feuille de calcul. Le problème critique se pose parce que l’IA crée actuellement cette « culture » sans aucune compréhension inhérente de celle-ci. Cette limitation est comparable à quelqu’un qui a mémorisé un dictionnaire entier mais n’a pas la capacité d’avoir une conversation significative. Comme l’explique le professeur Drew Hemment, responsable du thème Technologies interprétatives pour la durabilité à l’Institut Alan Turing, c’est précisément pourquoi l’IA échoue fréquemment lorsque « la nuance et le contexte comptent le plus ». Les systèmes manquent simplement de la « profondeur interprétative » pour saisir véritablement les implications de ce qu’ils traitent ou produisent.
À ce défi s’ajoute ce que le rapport appelle le « problème d’homogénéisation » : la grande majorité des systèmes d’IA dans le monde sont construits sur une poignée de conceptions étonnamment similaires. Surmonter cette uniformité omniprésente est crucial pour le développement futur de l’IA. L’analogie proposée est convaincante : imaginez si chaque boulanger utilisait exactement la même recette, ce qui entraînerait une abondance de gâteaux identiques et sans inspiration. Dans le domaine de l’IA, cela se traduit par la réplication et la propagation des mêmes angles morts, biais et limitations inhérentes à travers des milliers d’outils intégrés à notre vie quotidienne.
L’équipe établit un parallèle frappant avec l’avènement des médias sociaux, qui ont été initialement déployés avec des objectifs apparemment simples. Nous sommes maintenant aux prises avec leurs profondes conséquences sociétales, souvent involontaires. L’équipe « Faire l’IA Différemment » tire la sonnette d’alarme, exhortant à une approche proactive pour s’assurer que l’humanité évite de répéter de telles erreurs avec le domaine en pleine croissance de l’IA.
Leur solution proposée se concentre sur la construction d’un nouveau paradigme de l’IA, appelé IA Interprétative. Cette vision implique de concevoir des systèmes dès leur conception pour qu’ils fonctionnent de manière à refléter la cognition humaine, embrassant l’ambiguïté, s’adaptant à de multiples points de vue et favorisant une compréhension profonde du contexte. L’objectif global est de cultiver des technologies interprétatives capables d’offrir un éventail de perspectives valides plutôt qu’une réponse unique et rigide. Cela nécessite également d’explorer des architectures d’IA alternatives pour se libérer des contraintes des paradigmes de conception actuels. Crucialement, l’avenir envisagé n’est pas un avenir où l’IA supplante l’intelligence humaine, mais plutôt un avenir caractérisé par des ensembles humain-IA, où notre créativité synergise avec les capacités de traitement de l’IA pour relever les défis les plus redoutables de l’humanité.
Les ramifications potentielles de cette approche sont de grande portée et profondément personnelles. Dans le domaine des soins de santé, par exemple, l’interaction d’un patient avec un médecin est un récit, pas simplement une liste de symptômes. Une IA interprétative pourrait être essentielle pour capturer cette histoire complète, améliorant ainsi les soins aux patients et favorisant la confiance au sein du système médical. De même, dans le domaine critique de l’action climatique, une telle IA pourrait combler le fossé entre les vastes données climatiques mondiales et les réalités culturelles et politiques complexes des communautés locales, facilitant le développement de solutions véritablement efficaces sur le terrain.
Reconnaissant l’urgence, un nouvel appel à financement international est lancé pour unir les chercheurs du Royaume-Uni et du Canada dans cette entreprise ambitieuse. Le professeur Hemment souligne le moment critique actuel, avertissant : « Nous avons une fenêtre qui se rétrécit pour intégrer des capacités interprétatives dès le départ. » Pour des partenaires comme la Fondation Lloyd’s Register, l’impératif se résume finalement à la sécurité. Jan Przydatek, leur directeur des technologies, souligne : « En tant qu’organisme de bienfaisance mondial pour la sécurité, notre priorité est de garantir que les futurs systèmes d’IA, quelle que soit leur forme, soient déployés de manière sûre et fiable. »
Cette initiative transformative transcende la simple poursuite du progrès technologique. Il s’agit fondamentalement de forger une IA qui peut non seulement aider à résoudre les défis les plus pressants de l’humanité, mais aussi, ce faisant, amplifier les meilleurs aspects de notre humanité partagée.