L'IA conçoit de nouveaux antibiotiques pour vaincre les superbactéries résistantes

News

Des chercheurs du MIT ont tiré parti de l’intelligence artificielle générative pour concevoir une nouvelle classe d’antibiotiques, y compris des composés qui montrent des promesses significatives contre deux infections notoirement difficiles à traiter : la gonorrhée résistante aux médicaments et le Staphylococcus aureus multirésistant (SARM). Ce travail révolutionnaire, détaillé dans la revue Cell, représente un bond significatif dans la lutte contre une crise sanitaire mondiale, démontrant la puissance de l’IA pour explorer de vastes paysages chimiques auparavant inaccessibles dans la quête de nouvelles thérapies.

L’urgence de trouver de nouveaux antibiotiques n’a jamais été aussi grande. Au cours des 45 dernières années, peu d’antibiotiques véritablement nouveaux ont obtenu l’approbation de la FDA ; la plupart sont des variations de médicaments existants. Pendant ce temps, la résistance bactérienne continue son augmentation alarmante, contribuant à environ 5 millions de décès par an dans le monde. Pour contrer cela, le professeur James Collins, auteur principal de l’étude et chef du projet Antibiotics-AI du MIT, et son équipe ont étendu leurs efforts de criblage précédents basés sur l’IA, qui avaient déjà donné des candidats prometteurs comme l’halicine et l’abaucine. Cette fois, leur objectif est passé du criblage de composés existants à la conception de composés entièrement nouveaux.

En utilisant des algorithmes d’IA générative, l’équipe de recherche a conçu par calcul plus de 36 millions de composés hypothétiques, puis les a criblés pour leurs propriétés antimicrobiennes. Les principaux candidats identifiés sont structurellement distincts de tout antibiotique connu, suggérant qu’ils agissent par de nouveaux mécanismes, principalement en perturbant les membranes des cellules bactériennes. « Nous sommes enthousiasmés par les nouvelles possibilités que ce projet ouvre pour le développement d’antibiotiques », a déclaré Collins. « Notre travail montre la puissance de l’IA du point de vue de la conception de médicaments, et nous permet d’exploiter des espaces chimiques beaucoup plus vastes qui étaient auparavant inaccessibles. »

Les chercheurs ont poursuivi deux stratégies distinctes basées sur l’IA. Dans la première approche, ils ont dirigé les algorithmes d’IA générative pour concevoir des molécules basées sur un fragment chimique spécifique connu pour posséder une activité antimicrobienne. Ciblant Neisseria gonorrhoeae, la bactérie responsable de la gonorrhée, ils ont commencé par passer au crible une bibliothèque d’environ 45 millions de fragments chimiques connus. Grâce à plusieurs cycles de criblage computationnel, ils ont identifié un fragment prometteur, nommé F1, qui a montré une activité contre N. gonorrhoeae tout en évitant la cytotoxicité pour les cellules humaines ou les similitudes avec les antibiotiques existants. Cette évitement délibéré des structures connues visait à contourner les mécanismes de résistance existants.

En utilisant F1 comme base, deux algorithmes d’IA générative différents — Chemically Reasonable Mutations (CReM) et Fragment-based Variational Autoencoder (F-VAE) — ont généré environ 7 millions de nouveaux composés candidats. Un criblage computationnel ultérieur a réduit ce nombre à environ 1 000 composés. Sur les 80 sélectionnés pour une synthèse potentielle, seuls deux se sont avérés chimiquement réalisables à produire. L’un d’eux, nommé NG1, a démontré une efficacité remarquable contre N. gonorrhoeae à la fois en laboratoire et dans un modèle murin de gonorrhée résistante aux médicaments. Une enquête plus approfondie a révélé que NG1 cible une protéine appelée LptA, cruciale pour la synthèse de la membrane externe bactérienne, perturbant ainsi efficacement ce processus vital.

Pour leur deuxième approche, l’équipe a exploré le potentiel de la conception d’IA générative non contrainte, ciblant la bactérie Gram-positive Staphylococcus aureus. Ici, les algorithmes CReM et F-VAE ont eu une plus grande liberté, générant plus de 29 millions de composés basés uniquement sur des règles générales de plausibilité chimique. Après l’application de critères de filtrage similaires, le pool a été réduit à environ 90 candidats. Vingt-deux d’entre eux ont été synthétisés et testés, six d’entre eux présentant une puissante activité antibactérienne contre S. aureus multirésistant en laboratoire. Le principal candidat, DN1, a réussi à éliminer une infection cutanée à S. aureus résistant à la méticilline (SARM) dans un modèle murin. Comme NG1, ces molécules semblent également interférer avec les membranes des cellules bactériennes, bien qu’avec des effets plus larges non limités à une seule cible protéique.

L’organisation à but non lucratif Phare Bio, partenaire du projet Antibiotics-AI, travaille maintenant à modifier davantage NG1 et DN1 pour des tests précliniques avancés. Collins a exprimé son optimisme quant à l’application de ces plateformes pour combattre d’autres pathogènes bactériens critiques, y compris Mycobacterium tuberculosis et Pseudomonas aeruginosa. Cette recherche pionnière souligne le potentiel transformateur de l’IA dans la découverte de médicaments, offrant une lueur d’espoir dans la bataille croissante contre la résistance aux antimicrobiens.