Fausses nouvelles IA: La "capture" d'officiers britanniques circule mondialement
Un récit fabriqué affirmant la capture de deux officiers de l’armée britannique par les forces spéciales russes en Ukraine a rapidement proliféré dans au moins 13 pays, malgré le fait que les “preuves” photographiques aient été manifestement générées par intelligence artificielle. Cette campagne de désinformation sophistiquée met en lumière l’évolution des tactiques de la guerre de l’information et les défis à relever pour combattre sa propagation rapide à l’échelle mondiale.
La fausse histoire a fait surface pour la première fois le 3 août 2025, sur des sites web pro-russes, dont reseauinternational.net, une plateforme précédemment identifiée pour la diffusion de désinformation. Ces rapports alléguaient que les forces spéciales russes, lors d’un raid sur un centre de commandement ukrainien à Otchakiv, dans le sud de l’Ukraine, avaient capturé les colonels britanniques Richard Carroll et Edward Blake, ainsi qu’un agent non identifié du MI6. Selon l’agence de presse russe Eurasia Daily, un fournisseur fréquent de la propagande du Kremlin, les officiers étaient soi-disant en uniforme complet, possédant des documents militaires secrets et des passeports diplomatiques. Le récit a ensuite brodé une histoire de démenti initial du gouvernement britannique, suivi d’une affirmation selon laquelle les hommes étaient des touristes, et finalement, une tentative infructueuse de négocier un échange de prisonniers.
Cependant, un examen plus approfondi de la “preuve” — une photographie largement diffusée censée montrer les officiers capturés — révèle des signes révélateurs de manipulation par l’IA. Le texte sur les passeports des prisonniers est illisible, et les emblèmes nationaux sont brouillés, ne ressemblant en rien aux insignes britanniques authentiques. Une autre image, diffusée séparément et censée représenter les officiers en prison, s’est également avérée être générée par l’IA. Des incohérences entre les individus sur les deux photographies étaient apparentes, et leurs insignes militaires étaient insensés ; par exemple, un colonel supposé était représenté portant l’insigne d’un sergent, manquant entièrement les deux étoiles sous une couronne qui désignent un colonel dans l’armée britannique. De plus, aucune communication officielle du gouvernement britannique ni mention dans les principaux médias britanniques n’a corroboré la capture.
Les origines et les voies de diffusion de cette désinformation sont complexes et de grande portée. La fausse nouvelle a été partagée en France par Pravda-fr, un site que l’organisme de surveillance de l’ingérence numérique du gouvernement français, Viginum, a signalé comme faisant partie du réseau de désinformation russe “Portal Kombat”. Le 6 août, l’agence de presse russe Tass a repris l’histoire, citant Steigan, un site d’information norvégien pro-russe connu pour propager des théories du complot. Fait intéressant, Steigan avait déjà supprimé son article le 4 août, reconnaissant une vérification insuffisante. Steigan, à son tour, a attribué ses informations au Hal Turner Radio Show, une émission basée aux États-Unis dirigée par Harold Charles “Hal” Turner, un commentateur politique américain aux opinions pro-russes et antisémites documentées.
Cette pièce particulière de désinformation illustre un réseau médiatique pro-russe qui s’auto-renforce. Des sites comme Pravda, Tass et Eurasia Daily, ainsi que la “Russosphère” plus large des médias pro-russes internationaux tels que reseauinternational.net, ont amplifié le faux récit. L’histoire a même imprégné les médias traditionnels, la chaîne de télévision algérienne AL24 ayant organisé un débat de 24 minutes sur la prétendue capture le 5 août. En fin de compte, l’histoire fabriquée concernant les officiers britanniques a atteint des publics dans au moins 13 pays, couvrant diverses régions allant de la Serbie et de la Hongrie au Pakistan et au Vietnam, soulignant la portée omniprésente des campagnes de désinformation rendues possibles par le numérique.