Le Royaume-Uni doit saisir l'opportunité du design de puces IA

Artificialintelligence

Le Conseil pour la Science et la Technologie (CST) a lancé un appel urgent pour que le Royaume-Uni saisisse une “opportunité unique en 20 ans” de cultiver une industrie de conception de puces IA de premier plan mondial. L’inaction, avertit le conseil, risque de reléguer la nation au rang de simple consommateur de technologies qui définissent l’avenir, plutôt que de créateur.

Dans un nouveau rapport, le CST souligne que le Royaume-Uni doit prioriser la conception de ses propres puces d’intelligence artificielle. Cette initiative va au-delà de la simple croissance économique, touchant directement des questions critiques de sécurité nationale et de souveraineté. Le marché mondial des puces IA spécialisées connaît une croissance exponentielle, avec une projection d’expansion de 30 % par an et une constitution de plus de la moitié de l’ensemble de l’industrie mondiale des semi-conducteurs d’ici 2030. La question centrale pour le Royaume-Uni est de savoir s’il s’assurera une part significative de ce marché en plein essor.

De manière cruciale, le rapport clarifie une idée fausse courante : l’objectif n’est pas d’établir des usines de fabrication de plusieurs milliards de dollars qui concurrenceraient les géants mondiaux. Le CST met en évidence une tendance nationale à confondre la conception de puces, l’une des industries à la croissance la plus rapide au monde, avec la fabrication de puces, l’une des plus gourmandes en capital. Alors que la construction d’une usine de fabrication exige un investissement colossal, la conception d’une puce est un processus créatif et à forte intensité de connaissances qui s’aligne parfaitement avec les forces établies du Royaume-Uni en matière d’innovation et de propriété intellectuelle.

L’ambition est significative mais réalisable : favoriser les conditions permettant aux entreprises britanniques de concevoir 50 nouveaux produits de puces IA au cours des cinq prochaines années. Y parvenir, cependant, nécessite de remédier à des lacunes substantielles en matière de compétences, de financement et de coordination stratégique.

L’obstacle le plus formidable identifié est un déficit de compétences prononcé. L’industrie des puces existante au Royaume-Uni est déjà confrontée à un déficit d’environ 7 000 concepteurs. Pour atteindre l’objectif de 50 nouvelles puces IA, 5 000 concepteurs supplémentaires seraient nécessaires, portant le total nécessaire à 12 000 en seulement cinq ans – un nombre bien supérieur à la production actuelle. Pour y remédier, le rapport préconise un financement gouvernemental pour davantage de bourses universitaires et de bourses de recherche afin d’attirer les étudiants vers ce domaine. Il appelle également au développement d’un cours de conception de puces de premier ordre, reconnu au niveau national, qui pourra être largement diffusé, permettant ainsi une montée en compétences rapide d’une nouvelle génération de talents. De plus, le rapport identifie une opportunité significative dans l’optoélectronique, la technologie utilisant la lumière pour la transmission de données, qui est essentielle pour les systèmes IA de nouvelle génération et un domaine où le Royaume-Uni possède déjà une expertise considérable.

Au-delà des compétences, l’ambition doit être étayée par une stratégie nationale cohérente et coordonnée. Le rapport du CST critique l’approche fragmentée actuelle, où divers départements gouvernementaux, tels que le Département de la Science, de l’Innovation et de la Technologie (DSIT) et le Ministère de la Défense, poursuivent des plans indépendants bien qu’ils partagent des objectifs communs. Il exhorte ces entités à collaborer plus efficacement, en identifiant les opportunités pour les technologies qui répondent à la fois aux exigences commerciales et de défense.

Les experts de l’industrie s’accordent largement sur l’accent mis sur la conception, mais mettent en garde contre la sous-estimation des défis. Phillip Kaye, cofondateur de Vespertec, exprime cette perspective : “Le Royaume-Uni n’est peut-être pas encore une superpuissance de l’IA – mais si nous voulons un jour atteindre ce statut, ce serait l’endroit où commencer. La recherche britannique en semi-conducteurs a longtemps été parmi les meilleures au monde, il est donc logique que nous nous appuyions sur cet avantage existant.” Cependant, il ajoute une dose de réalisme, notant que “plus et de meilleurs semi-conducteurs ne se traduisent pas immédiatement par une industrie de puces IA mature… Des géants comme NVIDIA dominent encore en grande partie parce qu’ils ont construit ces réseaux au fil des décennies.”

Le rapport reconnaît ce paysage concurrentiel, soulignant la nécessité pour les startups britanniques d’obtenir un accès abordable aux outils et licences de conception coûteux, majoritairement contrôlés par des sociétés étrangères. Il propose une intervention gouvernementale pour négocier un accès au niveau national, potentiellement dans le cadre d’accords commerciaux plus larges, nivelant ainsi les conditions de concurrence pour les entreprises nationales.

Sans une industrie nationale robuste de conception de puces IA, le Royaume-Uni risque un avenir où son infrastructure critique serait alimentée par la technologie d’un “fournisseur dominant unique”, un scénario que le rapport juge “problématique pour de nombreuses raisons”. Pourtant, le sentiment dominant n’est pas celui du désespoir, mais d’une opportunité urgente et transformatrice. Comme le conclut Kaye, avec des entreprises de classe mondiale comme Arm toujours enracinées au Royaume-Uni et l’élan qui se construit, “il y a des raisons d’être sincèrement optimiste quant à notre place dans la révolution de l’IA.”